Fin - Faim

Jeudi soir.

Il faisait chaud, moite, presque étouffant. L’air sentait le sel, la poussière et la mer.

Il a plut, comme il pleut sous les tropiques, il a fallu attendre que l’orage passe, abrité rapidement sous un avant toit. Nous avons choisi de manger dans un petit restaurant, recommandé par des amis, proche de notre hôtel.

À l’intérieur, la climatisation tournait à fond, implacable. Trop froide pour nous. Alors nous avons préféré rester sur les tables extérieures , où mangeaient un groupe de jeune.

Et puis… il y avait eux.

De l’autre côté de la rue.

Deux corps. Deux êtres humains couchés à même le sol, sur des cartons sales et troués avec une couverture. Un homme et une femme, ou peut-être deux femmes, je ne sais plus.

Ils étaient là. Et nous, juste en face.

Dans nos assiettes, le repas était somptueux. Un poisson au lait de coco, tendre et parfumé, des crevettes, accompagné de riz et de légumes. C’était notre dernier dîner avant notre retour à São Paulo. Nous ne sommes pas arrivés à finir. Ce plat aurait nourri trois ou quatre personnes sans aucunes peine.

Alors, doucement, presque en silence, la femme a traversé la rue et nous a demandé à manger, j’ai hoché la tête pour dire oui, elles est  vite repartie sur son carton, nous avons demandé à la serveuse si nous pouvions offrir ce qui restait. Elle a dit oui, elle nous a emballé le tout dans deux boîtes, les a mises dans un sachet plastique. Jean-Marc s’est levé. Il a traversé la route. Il leur a tendu les boîtes. Ils ont accepté. Sans cris. Sans bruit. Ils ont dit Merci !

Et dans ma tête, il m’est venue cette phrase :

«Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire »